Le droit à l'image
Réserves :
Les informations contenues dans cette article proviennent de sources sûres et d’une pratique de terrain. Cependant il faut tenir compte du fait que la jurisprudence dans ce domaine peut évoluer très vite. De plus nous ne sommes pas juriste ; ces informations ne sauraient donc engager notre responsabilité. En cas de doutes ou de litiges, il vous revient de vous adresser aux autorités compétentes.
Intro
Il est très difficile d’être à la fois clair et précis sur cette question tant le sujet est compliqué.
La loi n’étant pas très explicite, il faut se référer à la jurisprudence pour les applications, dans des jugements contradictoires quelquefois, les magistrats n’appréciant les faits qu’au cas par cas. Il est donc incertain d’en tirer des règles générales. De plus, de nombreuses expériences de Repairenautes montrent que ces droits ne sont souvent pas très bien connus des représentants de l’ordre, rendant d’autant plus difficile la pratique des métiers de l’image.
Il est donc conseillé d’avancer prudemment sur ces questions. Ce droit doit cependant d’être connu de tout professionnel de l’image.
Deux textes sont à prendre en compte en matière de droits à l’image :
Le premier est l’article 9 du Code Civil et l’article 8 alinéa 1 de la Convention européenne qui stipule que chacun a droit au respect de sa vie privée.
En parallèle, l’article 10 alinéa 1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales évoque la liberté d'expression et le droit du public à recevoir une information. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considérations de frontières.
Les différents droits à l'image
Droit à l'image des personnes
Le droit à l'image des personnes est le droit pour chacun, d'autoriser ou de s'opposer à la fixation et à la diffusion de son image. Selon une jurisprudence constante, toute personne a sur son image et sur l'utilisation qui en est faite un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa reproduction sans son autorisation expresse et spéciale (Cours d’appel Paris 1ère chambre, 23 mai 1995).
Le droit à l’image a une double nature, la première offrant la possibilité à la personne d’exploiter financièrement son image (un acteur ou un mannequin par exemple), la deuxième la protégeant donc contre des diffusions qu’elle n’aurait pas voulues.
Il faut cependant, pour que ce droit s'applique, que la personne soit reconnaissable.
Attention ! L'identification d'un individu ne se fait pas que sur le visage ; d'autres signes corporels peuvent être pris en compte, comme une silhouette, la voix, un tatouage, un percing, une cicatrice qui suffiront à rendre une personne reconnaissable. Il a même été admis que le droit à l'image pouvait s'appliquer à un buste !
D'autres éléments qui caractérisent également un individu, ne représentent pas par contre des éléments constitutifs de la personnalité au sens juridique ; ce sont par exemple des vêtements que la personne portera systématiquement.
Droit à l'image d’un bien
Le droit à l’image s’applique également aux biens d’une personne.
Cependant, une jurisprudence constante actuellement précise que : le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci, mais peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers, lorsqu'elle lui cause un trouble anormal (arrêt du 7 mai 2004 de la Cour de cassation réunie en assemblée plénière).
Attention au cas d’un bâtiment protégée en plus par le code de la propriété intellectuelle comme œuvre de l’esprit (voir ci-dessous).
Droit de l’image d’une oeuvre de l’esprit
Les artistes (sculpteurs, peintres, architectes, réalisateurs, metteurs en scène…) possèdent au titre des droits d'auteurs un droit sur les oeuvres dont ils sont les créateurs. Ainsi, un artiste ou ses ayants-droits peuvent s'opposer à la diffusion d’images d’une oeuvre tant qu'elle n'est pas tombée dans le domaine public, et cela même si cette oeuvre est installée dans un lieu public.
Sa reproduction et sa publication sans leur consentement constituent une contrefaçon. Il convient donc d'obtenir préalablement à toute publication ce consentement, généralement en contrepartie du versement d’un droit de reproduction et de diffusion.
Application
Pour avoir la possibilité de prendre puis d'exploiter des images rentrant dans le cadre du droit à l'image (personnes, biens privés, oeuvre de l'esprit), il est donc essentiel d'avoir le consentement des intéressés.
Notons que ces droits sont valables pour tous les supports, même pour un site internet !
Images captées dans un lieu privé
La législation est très stricte pour toutes images prises dans un lieu privé, le dispositif législatif et jurisprudentiel ayant justement pour but la protection de la vie privée.
Ainsi, l'article 226-1 du code pénal prévoit que :
Est puni […] le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Ce qui compte c’est l’endroit où se trouve la personne filmée : cela signifie que le fait de prendre des images d’un lieu privé à partir de la voie publique est illicite.
Nous allons cependant voir qu'il existe un certain nombre de cas où on peut se dispenser de cette autorisation.
Les modérations dans l'exclusivité du droit à l'image
Les autorisations tacites
La jurisprudence considère que certaines autorisations sont présumées et peuvent se déduire du comportement de la personne.
Par exemple :
Par ailleurs, une personne interviewée consent implicitement à ce que le réalisateur fasse des choix et donc des coupes et des réagencements dans les paroles prononcées, dans le respect bien entendu de ce que la personne a dit. Le montage doit cependant rester visible (faux raccords ou fondus au noir pour marquer les coupures).
Cela n'autorise pas de monter deux interviews filmés séparément afin d'en faire un dialogue, ni d'illustrer l'interview par des images qui pourraient altérer ou modifier le discours de l'interviewé.
Images captées dans un lieu public
Les tribunaux ont tendances aujourd’hui à débouter les plaignants quand les circonstances suivantes sont réunies :
Définition d'un lieu public :
La cour de cassation a défini un lieu public comme étant un lieu accessible à tous sans autorisation spéciale de quiconque, que l'accès en soit permanent ou subordonné à certaines conditions heures ou causes déterminées.
Si la notion est claire dans certains cas (la rue…), elle est plus floue dans beaucoup d’autres. Ainsi il a été considéré que :
La théorie de l'accessoire :
La théorie de l'accessoire est l'absence de cadrage restrictif, c'est-à-dire qu'elle s'applique quand l'image n'est pas centrée ostensiblement sur la personne ou le bien. C'est par rapport à un ensemble d’éléments (images, sujet, contenu...) que les juges statuent sur la prise en compte ou non de cette théorie pour une image donnée. Pour simplifier, il ne faut pas que le sujet se détache trop clairement de l'image. C'est une notion là encore assez floue. Cette théorie est valable pour tous les droits cités (droits à l'image des personnes, des biens ou d'une oeuvre de l'esprit).
Le droit à l'information
A titre exceptionnel, la liberté de la presse et le droit à l’information du public permettent en certaines circonstances de limiter le caractère exclusif du droit à l’image. L'image doit être alors utilisée à des fins d'information, d'actualité ou historiques. Sous réserve, bien entendu, du respect de la dignité humaine.
C'est valable :
Les autorisations de fixation et de diffusion
Il est donc primordial de recueillir auprès des personnes filmées, dès qu'elles sont clairement reconnaissables, l’autorisation expresse d’utilisation de leur image, autorisation écrite, précise, quel que soit le lieu (public ou privé) dans lequel le sujet a été filmé. Même dans le cadre d’un film avec des acteurs (rémunérés ou non), la signature d’une autorisation est indispensable et permettra de préserver les intérêts de chacun.
A noter que l’article 38 de la convention collective du cinéma permet l’utilisation de photos extraites du film ou de photos de plateau pour la publicité du film.
L’autorisation doit être expresse, c’est-à-dire formellement exprimée, explicite et écrite. son omission engage la responsabilité de celui qui fixe et diffuse l'image ; vous devez donc apporter la preuve d'un accord, non seulement pour la reproduction mais également pour la diffusion : par exemple, le fait que des parents aient autorisé que l’on photographie leur enfant ne permet pas de prouver que ces derniers connaissaient l'utilisation précise qui serait faite de cette image et qu'ainsi ils y auraient consenti (Cours d’appel Dijon, 4 avril 1995).
Le contenu de l'accord
Il est donc important de rappeler que l'autorisation donnée pour être filmé ou photographié n'implique pas automatiquement l'accord pour la diffusion, et que l'accord pour une certaine diffusion ne donne pas pour autant le droit d'utiliser l'image pour une autre diffusion.
Pour être valable, un accord doit être limité pour sa diffusion, dans la durée et pour un support défini. Le consentement s’interprète donc strictement, pour une utilisation particulière, sur un support précis, et à dates déterminées ; n’utilisez par conséquent pas d’images pour une autre utilisation que celle qui a été clairement définie dans l’autorisation de diffusion.
A noter qu'une personne filmée peut à tout moment revenir sur sa décision et décider de suspendre la diffusion de son image.
Qui signe l'autorisation ?
Les deux parties doivent être clairement identifiées. Il s'agit, d'une part, de celui qui filme, et d'autre part de la personne qui est filmée. L'accord doit être daté et signé des deux parties.
Un mineur ou une personne sous tutelle ne peut donner son accord. Cela doit être fait par son représentant légal (parent ou son tuteur). Par exemple, un directeur d'école ne peut se substituer à un des parents pour donner l'autorisation. Attention : s'il y a une autorité parentale partagée (dans le cas d'un couple séparé par exemple), les deux parents doivent signer !
Publié avec l'autorisation de l'auteur : Gild (www.Repaire.net).
Adaptation et correction : Stef